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Dossier

L’enseignement précoce des langues vivantes en Finlande

Early language teaching in Finland
La enseñanza precoz de las lenguas en Finlandia
Ursula Viita-Leskelä
Traduction de Nicole Thiéry
p. 73-82

Résumés

L’auteur présente l’enseignement précoce des langues dans un pays qui compte deux langues officielles (finnois et suédois) et propose un enseignement obligatoire d’une première langue étrangère dès la troisième année de l’école fondamentale, auquel s’ajoute l’enseignement obligatoire de la deuxième langue officielle et celui, facultatif, d’une deuxième langue étrangère. La méthodologie retenue pour l’enseignement précoce des langues, l’évaluation des élèves et la formation des enseignants sont présentées, analysées et mises en regard des résultats observés en fin de cursus scolaire. Cet article offre donc un regard sur l’enseignement précoce des langues dans un pays qui a fait le choix de scolariser ses élèves assez tard (à l’âge de sept ans) et qui attire l’attention des spécialistes en raison de ses bons résultats scolaires dans les comparaisons internationales.

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Texte intégral

Bref aperçu du système éducatif finnois

1L’attention des spécialistes de l’éducation et du grand public a été attirée il y a quelques années sur la Finlande, en raison de ses très bons résultats à l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves).

2Le système éducatif finlandais a connu en 1970 une réforme essentielle qui a regroupé l’école primaire et le collège en une « école fondamentale ». Cette école de base unifiée est prise en charge par les municipalités qui disposent d’une large autonomie en matière d’organisation. Elle accueille les enfants à partir de l’âge de sept ans pour un cycle d’apprentissage de neuf années et propose le même enseignement à tous les élèves, quelles que soient les régions et les quartiers. Une dixième année supplémentaire peut être proposée, sur la base du volontariat, pour les élèves en difficultés. Au-delà, les élèves sont orientés vers le lycée ou l’enseignement professionnel. 70 % des élèves passent l’équivalent du baccalauréat ; 60 % d’entre eux entrent à l’université.

3Avant d’entrer à l’école fondamentale, la très grande majorité des élèves (près de 95 %) suit un enseignement préscolaire pendant une année, à partir de l’âge de six ans, dans des jardins d’enfants dépendant du ministère de l’Éducation.

4À l’école fondamentale, les enfants sont répartis par classe et âge : pendant les six premières années, un professeur principal enseigne la plupart des matières ; durant les trois dernières années, l’enseignement est assuré par discipline.

5Tous les enseignants ont une formation universitaire (généralement de niveau maîtrise) et une année pratique dans une école d’application. Il convient de noter que le métier d’enseignant jouit en Finlande d’une grande considération.

L’enseignement des langues en Finlande aujourd’hui

6Sur le plan linguistique, la Finlande est officiellement bilingue et ses deux langues officielles sont le finlandais et le suédois. Ces deux langues étant de faible diffusion internationale, l’apprentissage des langues étrangères s’est naturellement imposé. Lors de la création de l’école fondamentale, il a été décidé que chaque élève devait apprendre, en plus de la deuxième langue officielle du pays, une langue vivante étrangère obligatoire parmi quatre langues proposées : l’anglais, l’allemand, le français ou le russe.

7L’enseignement de la première langue vivante débute au plus tard en troisième année, lorsque les enfants sont âgés de huit ou neuf ans. Le choix de la langue, lié à l’offre des établissements, revient aux parents. Sur l’ensemble de la Finlande, 90 % des enfants choisissent l’anglais, les autres débutant l’apprentissage de l’anglais au plus tard au cours de leur cinquième année de scolarisation, à titre facultatif.

8Au second palier de l’école unique et au lycée, il existe d’autres possibilités de commencer l’apprentissage d’une nouvelle langue étrangère comme option facultative – en poursuivant l’apprentissage des deux premières. Les langues étrangères les plus enseignées à ce niveau sont l’allemand, le français, l’espagnol et l’italien.

  • 1 À l’époque, le lycée réunissait le premier et le second cycles du secondaire.

9Avant cette réforme, l’enseignement des langues ne débutait qu’au niveau du lycée1, en cinquième année de scolarisation, auquel seuls les meilleurs élèves accédaient après un examen d’entrée. Pourtant, un enseignement précoce expérimental des langues avait été mis en place dès les années soixante mais ses effets étaient limités, dans la mesure où les enseignants du secondaire n’en tenaient pas compte et reprenaient l’apprentissage à zéro à l’entrée au lycée. Pour pallier ce gaspillage de temps et d’énergie, l’école fondamentale propose désormais un apprentissage progressif qui prend en compte les premiers acquis.

10L’enseignement des langues débute donc par celui d’une langue commune à tous, dite « langue A » en troisième année et pour 10 % des élèves dès la première ou la deuxième classe. Les élèves qui commencent en troisième classe suivent cet enseignement pendant quatre ans (classes 3, 4, 5 et 6) à raison de deux heures hebdomadaires. Celui-ci se poursuit au deuxième cycle avec deux heures en classe de septième et trois heures en classe de huitième et neuvième.

11L’apprentissage de la deuxième langue officielle (suédois ou finnois pour la minorité de langue suédoise) doit impérativement commencer au plus tard en classe de septième.

12La deuxième langue étrangère facultative est proposée au premier cycle (A2). Cet enseignement débute en quatrième (deux heures hebdomadaires pendant trois ans) ou en cinquième classe (trois heures hebdomadaires pendant deux ans). En 2006, 27,3 % des élèves de cinquième classe étudiaient une langue à titre facultatif. Le choix des langues varie selon l’offre de l’école ou de la ville, et s’est fortement restreint ces dernières années.

13La totalité des écoles proposent l’anglais en langue A mais dans les grandes villes, on peut aussi commencer par une autre langue que l’anglais. Selon les données du ministère de l’Éducation, en 2006, 91 % des élèves de troisième classe apprenaient l’anglais, 5,2 % le finnois, 1,1 % l’allemand, 1,1 % le suédois, 0,7 % le français et 0,2 % le russe. Ceux qui n’apprennent pas l’anglais en langue A l’apprennent presque toujours en option A2, puisque les cours pour débutants en anglais ne sont proposés qu’au premier cycle. Les élèves inscrits en langue A anglais peuvent choisir d’autres langues, selon l’offre proposée par leur école ou par les autorités éducatives municipales.

14L’enseignement des langues s’inscrit dans la continuité de l’apprentissage : les acquis du premier cycle 1 servent de base à l’enseignement au deuxième cycle ; ce qui y est enseigné est un prérequis pour l’enseignement au lycée.

15À la fin des neuf années de l’école fondamentale, les connaissances dans les deux langues doivent être au même niveau et de nombreuses écoles mélangent dès la septième classe les élèves de langues A et A2.

16L’horaire minimum de toutes les disciplines et le cadrage des programmes sont fixés par le ministère2. Le cadrage a un caractère obligatoire pour tous les établissements. C’est une base à partir de laquelle chaque établissement rédige ses propres programmes, en tenant compte de son profil et de ses particularités. Il a l’autorisation de dépasser les horaires-seuils de quelques heures, ce qui laisse davantage de souplesse pour un renforcement de l’enseignement des langues, par exemple.

Objectifs et évaluation de la troisième à la sixième classe

17En langues, l’élève doit acquérir les connaissances de base correspondant à sa tranche d’âge. Il doit s’approprier la prononciation et, si nécessaire, l’écriture de la langue cible. Il doit posséder le lexique de base et connaître des expressions idiomatiques et les structures utilisées dans des échanges de la vie quotidienne. Il doit avoir une compréhension globale de textes et de conversations simples, et pouvoir s’exprimer brièvement à l’écrit et à l’oral sur des sujets familiers.

18En Finlande, l’évaluation a deux fonctions : d’une part, elle doit soutenir et encourager l’élève dans son apprentissage des langues ; dans le même temps, elle décrit le degré de réussite de l’élève par rapport aux objectifs de l’apprentissage des langues et de la tâche donnée. L’évaluation doit aider l’élève à élaborer une image réaliste de ses connaissances, de ses capacités, de son processus d’apprentissage et de son évolution, et soutenir ainsi le développement de sa personnalité. Dans les petites classes, les notes sont remplacées par des appréciations. Ce n’est qu’à partir de la huitième que les notes deviennent obligatoires. La plupart du temps cependant, les élèves sont notés dès le premier cycle, à partir de la quatrième classe, mais la note peut être complétée par une appréciation.

19Il n’y a pas d’évaluation nationale au niveau de l’école fondamentale. Pour unifier la notation dans l’ensemble du pays, les programmes nationaux de 2004 ont défini pour toutes les matières les critères de la note « bien », pour l’enseignement élémentaire d’une part, pour la neuvième classe d’autre part. Pour ce qui concerne l’enseignement des langues, la première évaluation critériée intervient à la fin de la sixième classe. Il n’est pas seulement tenu compte des connaissances linguistiques, mais aussi des stratégies d’apprentissage et des compétences culturelles.

20Les critères d’évaluation se basent sur le Cadre européen commun de références pour les langues, avec ses différents niveaux de compétences. Il faut environ cent cinquante à deux cents heures pour passer du niveau A1 au niveau A2, quatre à cinq cents heures pour passer de B1 à B2 (cours et travail personnel). Le niveau équivalent à celui du locuteur natif n’est atteint qu’au bout de cinq mille heures environ, ce qui est quasiment impossible dans le cadre scolaire.

21Ainsi, les élèves du palier 1, avec leurs deux heures par semaines, restent pendant quatre ans à un niveau A1/A2, ce qui n’est évidemment pas très motivant. C’est la raison pour laquelle, en Finlande, il a été décidé de diviser le niveau A1 en trois paliers (A1.1, A1.2 et A1.3), et le niveau A2 en deux paliers (A2.1 et A2.2). Les derniers programmes nationaux pour les langues vivantes indiquent le niveau auquel correspond un « bien » dans les différentes compétences de compréhension écrite, compréhension orale, interaction orale, expression orale et expression écrite. Ces normes varient selon la langue que l’on apprend. Ainsi les exigences sont-elles plus élevées pour l’anglais que pour l’allemand, le français ou le suédois. Ces prescriptions doivent contribuer à unifier la notation dans toutes les écoles du pays.

Compétences linguistiques requises en LV1 à la fin de la sixième classe

Compétences linguistiques requises en LV1 à la fin de la sixième classe

22L’élève doit connaître les données essentielles, les ressemblances et les différences entre sa propre culture et celle de la langue cible. Il doit pouvoir s’entretenir avec des locuteurs natifs dans des situations simples de la vie quotidienne.

23L’élève doit utiliser de façon pertinente quelques techniques d’apprentissage des langues (comme par exemple le travail en binôme ou en groupes), ainsi que le manuel et un dictionnaire. Il doit comprendre l’intérêt d’un entraînement systématique et avoir l’habitude de l’autoévaluation.

Méthodologie de l’apprentissage précoce

24Les enfants ne perçoivent pas les avantages qu’ils retireront de leur connaissance des langues étrangères lorsqu’ils seront adultes. C’est pourquoi il faut que l’apprentissage lui-même soit pour eux une expérience enthousiasmante, qui leur permette d’entendre et d’expérimenter des langues et des sons différents avec lesquels ils peuvent jouer. Pour de jeunes enfants, apprendre une langue nouvelle constitue un défi amusant.

  • 3 NDT : Total Physical Response, méthode d’enseignement des langues de type behavioriste, développée (...)

25Les stratégies des très jeunes apprenants ressemblent à celles dont ils usent pour leur langue maternelle : l’enfant a une écoute active, il butine et expérimente la langue, il joue avec et répète volontiers ce qu’il entend. Cette démarche peut être étayée par des jeux, comptines, chansons, histoires, petits rituels quotidiens et la méthode du TPR3.

26Chez l’enfant, l’apprentissage est holophrastique : il se fait en utilisant les cinq sens, et il est bien plus facile pour lui d’apprendre des phrases entières que de former lui-même des phrases à partir de mots donnés.

27L’enseignant doit être en mesure de s’adapter au niveau des apprenants : on ne peut pas apprendre ce que l’on ne comprend pas. Cela n’a pas de sens de parler de conjugaison avec quelqu’un qui ignore ce qu’est un verbe. Lorsqu’il ne comprend pas, l’élève est vite frustré, ne prend aucun plaisir à apprendre une langue et se considère lui-même comme un mauvais apprenant. Il lui faut en outre s’approprier les méthodes d’apprentissage des langues : apprendre qu’il y a beaucoup de choses à savoir par cœur, à mémoriser du vocabulaire, savoir comment on s’entraîne à la compréhension orale, etc.

28Pour enseigner à de jeunes enfants, il est plus important qu’un message soit compréhensible que grammaticalement correct. Les phases de la séance doivent être courtes et variées. Il faut alterner une activité intensive avec des moments de calme et apprendre en utilisant les cinq sens.

29Dans l’apprentissage des langues, la créativité est synonyme de capacité à produire des phrases personnelles. Pour cela, les débutants ont besoin de beaucoup d’aide, et il leur faut des modèles de phrases toutes prêtes qui seront abandonnées progressivement. Le jeu permet de mémoriser par une pratique orale fondée sur la répétition de mots, de phrases et de structures.

30L’entraînement et l’utilisation immédiats des acquis récents, dans des contextes variés, doivent être favorisés. Les enfants doivent avoir la possibilité de se déplacer pendant le cours. Chaque enfant étant différent, c’est à son propre rythme que chacun commence à utiliser la langue. Au début, il peut arriver qu’ils écoutent longtemps, sans essayer de prendre eux-mêmes la parole. C’est pourquoi le TPR est une bonne méthode pour les débutants.

31Il faut qu’un professeur de langue ait une bonne prononciation, car les enfants apprennent par imitation. Ce sont justement les élèves les plus jeunes qui ont la plus grande facilité à imiter la prononciation de la langue étrangère par un locuteur natif. À l’âge de onze ans, cette capacité se perd.

32L’expression orale est la chose la plus importante. Pendant le cours de langue, il faudrait que les enfants entendent le plus possible la langue cible, et la parlent eux-mêmes. Les travaux écrits pourront se faire à la maison, comme devoirs – pour des raisons de temps aussi, car certains enfants de neuf ans écrivent encore avec lenteur, même dans leur langue maternelle. Le finnois s’écrit de manière phonétique, ce qui n’est pas le cas des langues étrangères. Certaines lettres (b, c, z, x) et certaines combinaisons de lettres qui se présentent dans des langues étrangères ne sont pas familières aux enfants finlandais et demandent à être apprises.

33Comme les enfants sont encore dans la phase des acquisitions concrètes, c’est par l’analogie qu’ils apprennent le mieux la grammaire. Des petits contes grammaticaux amusants les aident davantage que des règles de grammaire. Ce n’est qu’à l’âge de douze ans qu’ils développent les premières aptitudes à l’abstraction.

34À l’école élémentaire, il y a de bonnes possibilités d’intégration et il n’est pas toujours nécessaire de respecter l’ordre proposé dans les manuels. Cependant, le professeur doit veiller à ne perdre personne en route. Un pays de cinq millions d’habitants ne peut pas se permettre l’échec scolaire. Ces efforts du système scolaire finlandais pour aider aussi les plus faibles à progresser ont été un élément décisif dans sa réussite à l’enquête PISA.

L’enseignement des langues dans le premier degré en Europe

Entre 1999 et 2005, l’enseignement des langues dans le primaire a connu un formidable essor. Aujourd’hui, une langue est enseignée dans le premier degré dans presque toute l’Europe, même si cet enseignement n’est pas encore obligatoire partout. Dans les pays où ce n’est pas encore le cas, des plans de généralisation sont en route. Dans plusieurs pays (Pays-Bas, Malte, Luxembourg) cet apprentissage commence dès la première année de l’école primaire et parfois, comme dans certaines communautés autonomes d’Espagne, dès la maternelle. Le début de cet apprentissage, situé entre 7 et 9 ans dans la majorité des pays, a été avancé d’un an dans certains (Danemark, Suède, France).

Le statut des langues

Le statut de la langue nationale a probablement une forte incidence sur le moment de l’introduction d’une langue obligatoire dans le premier degré. On constate en effet un écart important entre des pays comme la Finlande et le Royaume-Uni. La Finlande, consciente de la faible diffusion de sa langue, s’est lancée dans des expérimentations dès 1960. À l’opposé, le Royaume-Uni n’a amorcé cet enseignement dans le premier degré qu’en 2003 ; celui-ci devrait être généralisé en 2010.

Le traitement de la diversité de l’offre

Seuls quatre pays, totalisant environ 10 % des élèves de cet âge, imposent l’apprentissage de deux langues dès le premier degré (Estonie, Luxembourg, Suède et Islande). Dans les autres, l’anglais occupe une place dominante qui pose donc la question de la diversité dans le premier degré. Presque tous les pays offrent, voire imposent, l’anglais dans le primaire. Les exceptions sont en général des pays bilingues ou multilingues qui donnent la priorité à leurs langues nationales : ainsi, le Luxembourg est le seul pays où les élèves étudient, dans une large majorité une langue autre que l’anglais (à 93 % l’allemand et à 76 % le français).

À l’inverse, certains pays à langue nationale unique essaient de maintenir la diversité de l’offre en dépit de fortes pressions des parents d’élèves. C’est le cas de la France mais aussi, dans une moindre mesure, de l’Allemagne. En France, cela a été rendu possible en jouant sur les zones frontalières : ainsi l’allemand est proposé dans l’Est, ou l’italien dans le Sud-Est ; en outre, des classes « bilangues » ont été ouvertes. Elles permettent aux élèves ayant choisi une langue autre que l’anglais de l’étudier dès l’entrée au collège.

Les enseignants

Mettre en place une nouvelle discipline représente un défi considérable dans le champ des ressources humaines. Qui doit en effet enseigner les langues à ce niveau ? Dans la plupart des pays, les langues sont prises en charge par des enseignants généralistes ; à Malte ce sont des « semi-spécialistes » (au moins trois disciplines) et dans sept pays, des spécialistes (au plus, deux disciplines). Il arrive également que pour faire face à la pénurie d’enseignants qualifiés dans le premier degré, les systèmes éducatifs aient recours, pour une période transitoire, à des enseignants du secondaire. Dans tous les cas, les États sont face à un défi : il s’agit de former rapidement des milliers de professeurs.

Catherine Clément

35C’est à l’école élémentaire que l’on crée les habitudes de travail : les élèves ont besoin de consignes claires et précises. On peut les afficher sur les murs de la classe ou les coller dans les cahiers. Il faut aussi les faire connaître aux parents et en parler régulièrement dans la classe. Il est tout à fait possible d’habituer des enfants même jeunes à réfléchir à leurs apprentissages et à leurs objectifs personnels, et à s’auto-évaluer.

36Il n’y a rien de plus important que l’atmosphère du cours, qui se doit d’être chaleureuse et rassurante. Ce n’est qu’à cette condition que les apprenants se risquent à expérimenter ce qu’ils ont appris, et à faire des fautes. Sans erreurs, il n’y a pas d’apprentissage. En l’absence d’un tel climat, les meilleures méthodes sont inutiles.

Formation des professeurs et matériel pédagogique

  • 4 ECTS : European credit transfer system.

37Les professeurs de l’école unique, comme ceux de la maternelle, sont tous formés à l’université. Ils doivent tous avoir soixante ECTS4 en pédagogie, ainsi que soixante ECTS dans la discipline de leur choix (professeurs spécialistes) ou dans les différentes disciplines enseignées à l’école élémentaire. Les professeurs font des stages dans des écoles d’application qui travaillent en étroite collaboration avec les facultés de pédagogie à l’université. Il en résulte un dialogue entre théorie et pratique. Les études théoriques permettent aux professeurs de faire des recherches sur leur propre travail et d’y réfléchir, tout en suivant l’état actuel de la recherche. Les étudiants ont le droit d’assister aux cours de professeurs expérimentés, et d’enseigner sous leur direction dans les écoles d’application. Chaque cours est planifié et discuté à l’avance avec le professeur tuteur. Après le cours, le formateur analyse en détail la prestation de l’étudiant et lui fixe la suite de ses objectifs de formation professionnelle. Des séminaires sur les différents aspects de l’enseignement sont également proposés. Les étudiants sont invités à réfléchir à leur développement professionnel et à rédiger un mémoire de stage. Les stages ont lieu en alternance avec l’enseignement universitaire.

38Les professeurs de langues suivent deux cursus : ils sont inscrits en faculté de lettres, dans la matière dans laquelle ils enseigneront ; en même temps, ou plus tard, ils suivent leur formation d’enseignants à l’Institut de pédagogie appliquée et dans les écoles d’application, ainsi que dans des écoles ordinaires. Les écoles d’application regroupent souvent les trois cycles d’enseignement. Celles qui comportent le premier cycle forment aussi des instituteurs pour les classes un à six. En Finlande, on dénombre treize écoles d’application, dont deux à Helsinki. Parallèlement à la formation initiale et continue des enseignants, les écoles d’application ont pour mission de dispenser un enseignement standard à des élèves ordinaires, non sélectionnés. Elles ont aussi pour mission de faire de la recherche et de développer des méthodes d’enseignement. De nombreux professeurs qui y enseignent sont également auteurs de manuels.

39Les langues vivantes sont la plupart du temps enseignées par des professeurs spécialisés, y compris dans les premières années de l’école fondamentale. En pratique, comme une école ne peut pas leur proposer un horaire complet, nombreux sont les professeurs de langues du premier cycle qui doivent passer d’un établissement à l’autre dans la semaine. Ces professeurs reçoivent une formation générale qualifiante pour tous les cycles de l’enseignement général. Il est important que les professeurs de langues qui interviennent dans le cycle 1 dominent bien, eux aussi, leur discipline et les méthodes d’enseignement : c’est là, en effet, que se fixent les bases pour la suite de l’apprentissage des langues.

40Un professeur des écoles qui veut assurer lui-même un enseignement de langue dans sa classe doit suivre, outre une formation dans les disciplines enseignées en cycle élémentaire, un enseignement de courte durée dispensé par la faculté d’humanités, et effectuer ensuite un stage court spécifiquement dédié à la didactique des langues… Un parcours laborieux et chronophage. Les professeurs des écoles ont l’habitude de s’occuper des enfants, mais n’ont pas toujours le temps et la force de s’approprier les méthodes et le matériel pédagogique propres à l’enseignement des langues. S’ils en font l’effort, de bonnes possibilités d’intégration de nombreuses matières s’ouvrent alors à eux.

Les ressources pédagogiques

41Pour l’enseignement précoce, il existe en Finlande de nombreuses ressources pédagogiques de grande qualité. Celles-ci sont adaptées à l’âge des élèves, tant pour la langue que pour les contenus, et tiennent compte des difficultés propres aux enfants finlandais pour l’apprentissage des langues étrangères. Les manuels abordent toutes les compétences langagières, et les aspects culturels des pays où la langue est parlée sont intégrés au matériel pédagogique, tant dans les textes que dans les ressources iconographiques. Les documents de travail prennent en compte différents types d’enseignement. L’offre des éditeurs est riche, surtout pour l’anglais. Avec l’accord des autorités éducatives locales, écoles et professeurs peuvent faire leur choix eux-mêmes, selon le profil de leur école et les caractéristiques de leurs élèves. Les méthodes comprennent toutes des CD et des livrets pédagogiques pour le professeur.

42L’environnement joue également un rôle important pour l’apprentissage des langues. En Finlande, l’école n’est pas le seul lieu d’apprentissage des langues. Le fait que la télévision et le cinéma, par exemple, proposent les films en version originale est un élément facilitateur important, qui renforce la motivation des élèves, ce qui explique que l’association des professeurs de langues de Finlande ait tenu à féliciter la radiotélévision finlandaise de sa décision de ne pas doubler les programmes.

43On ne peut que constater l’impact très positif qu’a eu l’enseignement précoce intégré des langues sur le niveau des élèves en fin de cursus scolaire, même si peu de recherches sur le sujet sont disponibles.

44Alors qu’une enquête conduite dans les années soixante-dix auprès de bacheliers finlandais avait mis en évidence leur niveau moyen en anglais, une étude de 2004 sur les connaissances en anglais à la fin de l’école obligatoire conduite dans huit pays (étude dans laquelle le finlandais était la seule langue non indoeuropéenne), situe la Finlande à un meilleur niveau : cinquième place en compréhension orale, première en grammaire, troisième en expression et compréhension écrites.

45En observant les résultats de la maturation (baccalauréat), on constate que les candidats dont la langue maternelle est le suédois ont de meilleurs résultats que ceux dont la langue maternelle est le finnois. Cela provient vraisemblablement du fait que le finnois, – contrairement au suédois – n’est pas une langue indoeuropéenne.

46Deux chercheurs se sont penchés sur le niveau des élèves en langues étrangères. Selon Sauli Takala, qui a examiné les résultats des bacheliers finlandais sur la base du Cadre européen de références pour les langues, le niveau B2 le plus répandu en anglais LV1 (environ 60 % des élèves) ; environ 25 % des bacheliers atteignent le niveau C1 et 13 % sont de niveau B1. Seuls 2 % restent en-dessous du niveau B1. Selon la thèse d’Eeva Tuokko, le niveau moyen en anglais LV1 à la fin de la scolarité obligatoire est B1.1.

47Si l’on considère le nombre d’heures attribuées à l’enseignement des langues, ces résultats apparaissent apparemment satisfaisants et il n’est pas excessif d’affirmer que le système éducatif finlandais contribue à relever efficacement le défi du multilinguisme.

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Bibliographie

HALINEN Irmeli (2006) : « L’école de l’équité et de l’intégration », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n° 41, pp. 75-86.

MARGELIDON Marie-Hélène (2004) : « Le système éducatif finlandais », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n° 36, pp. 175-181.

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Notes

1 À l’époque, le lycée réunissait le premier et le second cycles du secondaire.

2 Pour plus d’informations, voir : www.oph.fi/english .

3 NDT : Total Physical Response, méthode d’enseignement des langues de type behavioriste, développée dans les années soixante-dix par James Asher, professeur de psychologie à l’université de San José, Californie. Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Total_Physical_Response ).

4 ECTS : European credit transfer system.

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Table des illustrations

Titre Compétences linguistiques requises en LV1 à la fin de la sixième classe
URL http://journals.openedition.org/ries/docannexe/image/398/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 67k
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Pour citer cet article

Référence papier

Ursula Viita-Leskelä, « L’enseignement précoce des langues vivantes en Finlande »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 47 | 2008, 73-82.

Référence électronique

Ursula Viita-Leskelä, « L’enseignement précoce des langues vivantes en Finlande »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 47 | avril 2008, mis en ligne le 27 juin 2011, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ries/398 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.398

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Auteur

Ursula Viita-Leskelä

Professeur d’allemand et d’anglais, formatrice, Helsingin yliopiston Viikin, normaalikoulu [École normale Viikin], Helsinki, Finlande.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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