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Pratique et recherche

Analyse de l'efficacité des stratégies de travail d'étudiants Lansad à distance dans un dispositif hybride – Étape d'une recherche-action

Action research to evaluate ESP students' off site working strategies in a blended learning environment – interim report
Cédric Brudermann

Résumés

Cet article se propose de revenir sur la conception et l'utilisation d'un centre de ressources en ligne visant à mettre en œuvre des expériences d'apprentissage (Bange, 1992) potentiellement favorables à l'acquisition de l'anglais langue étrangère, dans un dispositif hybride d'enseignement / apprentissage des langues pour spécialistes d'autres disciplines (désormais Lansad).

Une recherche expérimentale menée à l'institut universitaire de formation des maîtres (désormais IUFM) de Perpignan auprès d'un public de professeurs des écoles de niveau B1 / B2 au cours de l'année universitaire 2007-2008 a permis de recueillir des données plus précises quant aux besoins des apprenants au cours de la réalisation de tâches écrites et orales à distance.

Leur traitement a montré que la plupart des obstacles provenaient d'aspects de la langue anglaise de niveau A2 / B1 qui avaient déjà été travaillés par les apprenants lors de leurs études dans le secondaire.

Pour les aider, un "centre de ressources en ligne" fonctionnant d'après leurs besoins en L2 a été conçu (Brudermann, 2008), de façon à leur laisser toute latitude pour se prendre en charge dans un climat sécurisé lors de la réalisation de ces travaux et les conduire à réinvestir leurs acquis dans l'élaboration de tâches ultérieures (Van Harmelen, 2006).

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Texte intégral

Date de réception de l'article : 1 juin 2009 ; date d'acceptation de la version définitive : 28 octobre.

1. Contexte et problématisation

1La mise en place d'un dispositif d'enseignement / apprentissage des langues étrangères nécessite que l'on s'intéresse à la question des conditions suscitant le déclenchement de mécanismes acquisitionnels chez les apprenants ainsi qu'aux paramètres constitutifs du contexte d'apprentissage, pour étudier à quelle(s) condition(s) il est possible de les optimiser et pour proposer en retour un dispositif de formation le plus efficace possible en termes d'acquisition.

2Cependant, dans les dispositifs hybrides d'enseignement / apprentissage des langues étrangères (désormais L2) la question de la réalisation effective du travail à distance par les apprenants forme une véritable zone d'ombre pour l'accompagnateur pédagogique, du fait que si les productions obtenues correspondent, en principe, au résultat du travail individuel, il n'est de facto pas possible de savoir comment celui-ci est effectivement réalisé. Ce manque de données rend donc difficile un ajustement des outils de médiation et de remédiation pédagogique à distance aux besoins des apprenants.

3Une recherche-action au sein d'un environnement hybride a été conduite à l'IUFM de Perpignan auprès d'un public d'étudiants préparant le concours de professeurs des écoles (désormais PE1) au cours de l'année universitaire 2007-2008 pour analyser l'efficacité de leurs stratégies de travail.

4Les hypothèses sous-jacentes à la mise en place de ce dispositif étaient que la diversification des parcours d'apprentissage influerait sur la motivation des étudiants, ainsi que sur la modification de leurs capacités de réussite, en les poussant à avoir recours à des stratégies d'apprentissage et de traitement variés de la L2. Nous considérions de même qu'en les associant à la présence d'un tuteur humain, la mise en œuvre d'expériences d'apprentissage potentiellement favorables à l'acquisition d'une langue serait favorisée, puisqu'elles seraient démultipliées, grâce à la diversification des formes d'étayage au sein des différents espaces interactionnels notamment.

2. Dispositifs hybrides

5Les dispositifs hybrides se caractérisent par une "double modalité présentielle et distantielle, appuyée sur l'utilisation d'une plateforme d'apprentissage en ligne et une centration sur l'apprenant" (Nissen, 2006 : 45). Dans la typologie de Charlier, Deschryver et al. (2006), les dispositifs hybrides sont décrits comme une formule de "présentiel amélioré", dans la mesure où ils proposent la mise en place d'approches "plutôt transmissives (…) utilisant un environnement technopédagogique essentiellement pour des fonctions d'information et de gestion, voire de communication".

6Cette formule d'environnement pédagogique mixte rend donc possible une individualisation des parcours d'apprentissage, en engageant les apprenants à construire leurs connaissances et à établir des connexions signifiantes entre elles. Dans une telle perspective, l'apprenant devient donc le centre organisateur essentiel de son savoir (Astolfi, 1989), ce qui implique une démarche active d'apprentissage de sa part, car, comme le précise Bogaards (1991 : 100),

la décision d'apprendre ne peut être prise que par l'apprenant (…), qu'il y ait apprentissage ou non, cela dépend de l'apprenant [et] l'enseignant ne peut que mettre en place les conditions favorisant l'apprentissage [car] son rôle est de se mettre au service de l'apprenant qui, lui, peut profiter de ses services, ou non.

7En raison de la reconfiguration de l'espace de travail dans les dispositifs hybrides, la notion d'"enseignant" semble dépassée, car, tout en conservant ses prérogatives initiales de facilitateur, concepteur, pourvoyeur et organisateur des apprentissages (Narcy, 1990), celui-ci se doit à présent de remplir de nouveaux rôles, qui incluent aussi bien des fonctions pédagogiques, comme le tutorat à distance, que non pédagogiques, administratives, technologiques et logistiques (Henri & Kaye, 1985). Nous préférons de ce fait l'expression "accompagnateur pédagogique". C'est donc à ce dernier qu'il incombe de réfléchir à l'organisation individuelle et collective de l'environnement d'apprentissage, ce qui soulève la question de la conception du dispositif de formation.

3. Ingénierie de la formation

8Cependant, il s'avère qu'en "situation de savoir institutionnalisé, il convient de négocier du sens suivant les conventions d'une communauté donnée (ce qui relève de la pragmatique)" (Narcy-Combes, 2005 : 31). La question de l'organisation d'un dispositif de formation implique donc de se pencher sur la question des paramètres institutionnels qui influencent le terrain pédagogique des IUFM.

9La figure 1 illustre que, dans le cadre de l'élaboration d'un dispositif, des paramètres relevant de logiques différentes (juridiques, éducatives, pratiques, etc.) fonctionnent en relation étroite et conditionnent en amont la marge de manœuvre allouée à l'accompagnateur pédagogique, avant même que soit abordée la question des contenus à intégrer au dispositif.

Figure 1 – Aperçu du terrain pédagogique des PE1.

Figure 1 – Aperçu du terrain pédagogique des PE1.

 

3.1. Besoins des PE1

10En raison du contexte particulier des PE1, qui est celui de la préparation à un concours de recrutement, les besoins des étudiants coïncident avec les exigences de ce concours, qui émanent des textes officiels. En ce qui concerne l'épreuve d'anglais, il est question d'une "épreuve orale de langue vivante étrangère sans programme" portant sur un "texte d'une vingtaine de lignes présentant une richesse suffisante (extrait de roman, de nouvelle, d'article de journal, etc.)". L'étudiant doit en présenter les grandes lignes en cinq minutes, lire à haute voix un extrait et se soumettre à un "entretien prenant appui sur la présentation orale, s'élargissant au thème abordé par le texte et éventuellement à la vie de classe (10 minutes)". Par ailleurs, le jury peut interroger le candidat sur la "présentation en classe d'un fait culturel évoqué dans le texte". L'épreuve dure vingt minutes, se situe au niveau B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l'Europe, 2001) et l'évaluation "prend particulièrement en compte la fluidité de l'expression et la qualité, notamment phonologique de la langue" (Ministère de l'éducation nationale, 2006a).

3.2. Le public des PE1

11Les textes officiels (Ministère de l'éducation nationale, 2006b) stipulent que, pour pouvoir candidater au concours de professeurs des écoles, les PE1 doivent être en possession d'une licence (L3) ou de tout autre diplôme de niveau II ou homologué au niveau II (licence, maîtrise) au moment de leur inscription. Ceci engendre nécessairement un clivage entre les candidats issus de filières linguistiques telles que LLCE (langue, littérature et civilisation étrangère) ou LEA (langue étrangère appliquée) et les autres candidats qui proviennent d'autres disciplines non linguistiques, comme la biologie ou la psychologie par exemple, d'où un public hétérogène formé de spécialistes et de non-spécialistes de la L2 à l'entrée en IUFM.

12Une enquête menée par nos soins sur le site de Perpignan a permis de mettre en évidence que seul un dixième environ des soixante-quatre inscrits en PE1 provenait de disciplines linguistiques. Cette étude suggère qu'au niveau de la formation, il convient de se pencher sur la question du niveau effectif des 90 % restants pour avoir une base de travail préalable à la mise en place d'un dispositif de formation. Ces étudiants n'ont, en effet, pas tous suivi d'enseignements de L2 durant leurs années à l'université et, quand c'est le cas, les objectifs ont été différents, en fonction des disciplines d'origine. De plus, le poids concédé à l'anglais dans ces cursus respectifs a pu varier du simple au double. Par ailleurs, les étudiants n'ont pas tous choisi l'anglais comme L2 durant leur scolarité dans le secondaire, ce qui creuse davantage les écarts. Enfin, une part des étudiants en PE1 correspond à un public en reconversion ou reprise d'études et n'ayant bien souvent eu aucun contact avec la L2 depuis un certain temps. Ajoutons à cela que notre enquête a également mis en évidence que les séjours longs en pays anglophones pour ces étudiants restent marginaux.

13Il est aisé de lire en filigrane les difficultés pédagogiques découlant de cette situation paradoxale : comment dispenser un enseignement permettant de prendre en compte les besoins et les attentes d'un public si hétérogène, sans "ennuyer" les spécialistes de la L2 ni "perdre en route" les plus faibles ? La question se pose d'autant plus que, pour ces étudiants Lansad, l'objectif est de pouvoir, dès leur année de stage, être à même de délivrer un enseignement de L2.

3.3. Choix du type de dispositif pédagogique

  • 1 Le projet de recherche Acteurs, Activités collectives et tutorat dans l'enseignement universitaire (...)

14Des travaux de recherche (Narcy-Combes & Narcy-Combes, 2007 ; projet de recherche Acteurs1), ont montré que la mise en place de dispositifs hybrides rendait possible, sur un plan pédagogique, de gérer des groupes hétérogènes, en générant une individualisation des parcours de formation et en intervenant au plus près des besoins propres à chaque apprenant et, sur un plan organisationnel, de faire preuve de suffisamment de souplesse pour pouvoir prendre en compte les diverses logiques inhérentes aux paramètres de terrain. C'est vers cette "formule" pédagogique que nous nous sommes donc orienté pour préparer les PE1 à l'épreuve orale d'anglais langue vivante étrangère, L2, telle que décrite par les textes officiels, au cours de l'année universitaire 2007-2008.

4. Activités proposées

15En raison des modalités d'organisation de l'épreuve d'anglais du concours de recrutement des professeurs des écoles (désormais CRPE), les besoins en langue étrangère qui doivent être pris en charge par le dispositif couvrent des aspects aussi divers que la compréhension écrite et orale, la production orale, la prise en compte des composantes interculturelle et phonologique, et la sensibilisation aux questions de vie de classe et d'éthique du métier. L'institution alloue 60 heures annuelles pour cela, qui se déclinent de la sorte :

  • 35 heures annuelles d'enseignement ;

  • 25 heures de simulations orales, ce qui correspond à deux simulations orales (deux fois une demi-heure) par étudiant et par an ; ces simulations ont lieu après les épreuves d'admissibilité.

16Pour optimiser le volume horaire imparti pour la préparation à l'épreuve d'anglais du CRPE, il semble que le recours aux tâches (Ellis, 2003) s'avère intéressant, dans la mesure où celles-ci permettent aux apprenants une manipulation plus grande en L2 (Rézeau, 1996), en offrant des opportunités d'entraînement, ce qui est nécessaire pour conduire à l'automatisation des connaissances (Anderson, 1983).

4.1. Tâches collectives en présentiel

17La réalisation de tâches en présentiel, parce qu'elles impliquent une collaboration en petits groupes, visent à libérer le potentiel expressif des étudiants, à leur permettre de réinvestir les acquis provenant du travail effectué à distance ou de connaissances antérieures et, éventuellement, de générer des séquences potentiellement acquisitionnelles (désormais SPA) (De Pietro, Matthey & Py, 1989).

18La notion d'affordance (Gibson, 1977) est ici au cœur des activités proposées car cette approche de manipulation de la L2 en groupe permet de lever les inhibitions en L2, en ce sens que la collaboration entre pairs permet aux étudiants d'interagir (Vygotski, 1997), de s'entraider, par le biais de l'étayage notamment (Bruner, 1998), de se concerter et d'aller plus loin dans leurs démarches intellectuelles et donc d'évoluer dans un contexte plus "libre". Cette démarche est donc susceptible de conduire les apprenants à dépasser les blocages de leur ego langagier (Guiora & Acton, 1979), qui constituent un frein dans l'apprentissage des L2.

19Pour favoriser cette collaboration, du point de vue de la mise en œuvre d'une session en présentiel, il est donc possible ici de regrouper les étudiants par petits groupes, de mettre à leur disposition des documents délibérément courts portant sur des thèmes liés à l'éducation et contenant des questions de guidage ainsi que des supports iconographiques et de leur demander d'en rendre compte à l'oral. Pour traiter le thème retenu un peu plus en profondeur, il est ensuite possible d'avoir recours à d'autres documents illustrant diverses facettes du thème abordé. Ce travail implique des étudiants de mutualiser leurs connaissances, inférer, faire des hypothèses et se concerter quand des difficultés se présentent, en L2 notamment. Ce travail induit par ailleurs une planification de leur intervention orale, de façon à ce que chaque membre du groupe puisse procéder à une mini prise de parole individuelle, résultant d'un travail commun.

20Par ailleurs, afin de renforcer le travail d'écoute, les tâches permettent de faire travailler les étudiants sur des activités fonctionnant selon le principe du "déficit d'information" : les étudiants sont placés dans une situation d'interdépendance par rapport à un même document global, dont chacun ne dispose que d'un seul élément. Un tel fonctionnement engage à faciliter le dialogue entre les divers groupes, notamment pour demander des précisions, émettre des hypothèses et faire des liens entre le contenu des documents des divers groupes.

4.2. Tâches individuelles en présentiel

21Le dispositif permet ensuite de proposer aux étudiants de réaliser des présentations orales sur des thèmes liés à l'éducation et destinés à générer des prises de position ou l'expression de points de vue. Cela peut par exemple être le cas pour un travail portant sur le multiculturalisme à l'école primaire en France et dans les pays anglo-saxons. Une telle thématique invitant à faire des ponts entre ce qui se joue en France et dans les pays anglo-saxons permet également d'amorcer un travail sur la dimension interculturelle de la L2. L'exercice donne à chaque étudiant la possibilité de s'entraîner à prendre la parole en public, d'où un caractère pré-professionnalisant pour de futurs professeurs des écoles, tout en sensibilisant aux questions d'éthique du métier ou de vie de classe du concours, notamment en déclenchant des débats prenant appui sur les thématiques des exposés. Il invite à synthétiser des connaissances et à se pencher sur la question de leur didactisation, c'est-à-dire, sur le travail de facilitation pour le reste du groupe, étant donné que le public doit à la fois écouter, comprendre le contenu et prendre des notes. En tant que tel, l'exercice de présentation orale est en fait assimilable à une situation problème (Narcy-Combes, 2005).

22Dans une telle démarche, les thèmes retenus peuvent être complémentaires des thèmes de l'épreuve d'entretien préprofessionnel et concerner des aspects tels que la "démarche scientifique", le "métier d'élève", le "vivre ensemble", la "gestion de la discipline", la "laïcité", l'"éducation prioritaire" ou les "outils informatiques à l'école", par exemple. En cela, cet exercice permet, une fois encore, de mutualiser des ressources et de travailler de manière transversale, puisqu'il s'agit-là de thèmes communs à la plupart des disciplines scolaires. Par ailleurs, ces présentations orales peuvent être l'occasion de faire émerger des contrastes avec la sphère anglo-saxonne et d'amorcer un travail sur la compétence interculturelle.

4.3. Tâches individuelles à distance

23La réalisation individuelle de tâches à distance engage les étudiants dans une démarche de travail personnel, permettant de faire "remonter" des besoins langagiers propres à chacun et d'obtenir, ensuite, de l'accompagnateur pédagogique des éléments de remédiation ajustés à ces besoins. Étant donné les exigences du CRPE, les tâches proposées doivent donc "cadrer" avec ces dernières, pour permettre aux étudiants de s'entraîner en L2 tout en se préparant au concours.

24Le CRPE prend appui sur des documents de niveau B2, une piste peut donc être d'inciter les étudiants à travailler soit sur des annales de ce concours soit sur des annales d'anglais première langue vivante du baccalauréat, les élèves de terminale des sections générales et technologiques étant interrogés à ce niveau. Ainsi, étant donné que l'épreuve invite les étudiants à présenter un texte d'une vingtaine de lignes en cinq minutes, à l'oral, il peut s'avérer pertinent de proposer aux étudiants de réaliser ce type de travail à distance, à l'oral ou à l'écrit.

25Du point de vue des tâches écrites, les étudiants sont invités à présenter un texte en anglais, à partir de supports en anglais en une douzaine de lignes environ, dans lesquelles peuvent figurer un chapeau introductif et une brève conclusion. Cet exercice vise à conforter, voire améliorer, les compétences en lecture et en écriture des étudiants, par un passage efficace de la compréhension à une production pertinente et complexe (traitement du sens).

26Du point de vue des tâches orales, les étudiants sont invités à présenter un texte en anglais, à partir de supports en anglais, en trois à cinq minutes environ, dans lesquelles peuvent figurer une introduction et une brève conclusion. Le but de cet exercice est de conduire l'étudiant à libérer son potentiel expressif, en lui donnant l'occasion de s'entraîner à passer d'une compréhension orale ou écrite à une production orale. D'après Narcy-Combes (2005), dans une telle perspective, pour que l'apprentissage soit efficace, les tâches effectuées par l'apprenant doivent traiter du sens (en évitant le "par cœur" et le travail sans comprendre) et l'amener à repérer les formes (d'une façon ou d'une autre), ainsi que leur sens dans les divers contextes d'énonciation car le travail spécifique de réflexion sur la langue (grammaire) ne permet au mieux que de repérer plus efficacement ce que l'on reçoit ou produit, mais n'assure pas directement la mise en place d'une production "correcte".

27Pour éviter toute surcharge cognitive et pour "coller" aux exigences du concours, une longueur de 20 à 30 lignes paraît raisonnable pour les documents supports écrits. Choisir des documents audio et / ou vidéo de 10 à 20 minutes permet plusieurs écoutes / visualisations, sans pour autant que l'étudiant y passe trop de temps.

28Les étudiants avaient ainsi une tâche à distance à remettre toutes les trois semaines. Ils avaient le libre choix quant au type de travail qu'ils remettraient (oral ou écrit) et les tâches étaient réalisées intégralement à distance et dans un climat sécurisé, dans le sens où il s'agissait de tâches d'entraînement et non d'évaluation, où la confidentialité des besoins révélés par les tâches était conservée et où le fonctionnement à distance rendait possible la mise en place de parcours individualisés de formation, à l'oral comme à l'écrit, ce qui permettait potentiellement à l'étudiant de se désinhiber, notamment à l'oral.

29Les tâches étaient envoyées à l'enseignant par courrier électronique pour être corrigées et ensuite renvoyées aux étudiants. La correction était faite en profondeur, de façon à attirer l'attention sur des points ciblés et saillants correspondant aux besoins en L2.

4.4. Forum de discussion

30Les forums de discussion permettent aux apprenants de se retrouver en ligne et de poster des billets, soit en réponse à des fils de discussion en cours, soit en en créant de nouveaux. Ils peuvent donc lancer des débats ou interpeller les participants à un sujet de conversation donné comme la thématique du respect d'autrui en classe, par exemple. Le recours au forum permet donc de proposer aux apprenants un travail collaboratif à distance et en asynchrone en L2. Cette modalité particulière de communication se prête particulièrement bien à des activités faisant appel à la réflexion et au débat, dans la mesure où le caractère asynchrone ôte la pression exercée par le flot de la parole lors d'une interaction synchrone et laisse donc aux étudiants le temps de se pencher tant sur le contenu du message en L2 qu'ils comptent formuler, que sur la forme de ce dernier.

31De fait, cet outil suscite de l'interaction à distance, à travers un travail de collaboration, de partage et de mutualisation, sur des sujets sur lesquels tout le monde peut potentiellement avoir un point de vue ou une opinion à exprimer. De plus, étant donné que les forums de discussion permettent de travailler dans "l'anonymat", grâce à l'utilisation de pseudonymes, les étudiants peuvent ainsi ne pas avoir à "assumer" leurs énoncés, ou faire en sorte que les autres membres ne fassent pas le lien entre des idées émises et / ou des écarts de normes en L2 et une personne donnée. À nouveau, ce fonctionnement détient un potentiel pour désinhiber les étudiants et faire en sorte qu'ils n'hésitent pas à répondre, contester, donner leur point de vue, soulever des questions ou demander de l'aide en L2.

5. Dispositif pédagogique mis en place

32Après prise en compte des paramètres institutionnels, de la marge de manœuvre pédagogique qu'elle rendait possible et des exigences liées à la préparation du concours, nous en sommes arrivé à mettre en place un dispositif hybride permettant, en théorie, d'allouer à chaque étudiant un temps optimal de manipulation de la L2.

33Ainsi que l'illustre la figure 2, le dispositif reposait sur quatre pôles et permettait d'intégrer les logiques présentiel / distantiel, de part et d'autre de la ligne verte et travail individuel / collectif, de part et d'autre du trait rouge.

34Les divers espaces et formes de travail permettaient ainsi aux étudiants de travailler sur leurs besoins propres en L2, d'après des modalités différentes, et leur octroyaient la possibilité de réinvestir leurs acquis et leurs nouvelles acquisitions en L2, à tous les stades du dispositif (cf. les flèches blanches de la figure 2).

35

Figure 2 – Organisation du dispositif de formation.

Figure 2 – Organisation du dispositif de formation.

36Par ailleurs, la figure 2 illustre que l'accompagnateur pédagogique se situe légèrement en retrait dans le dispositif : son rôle consiste à fournir à l'apprenant des outils dont il pourra tirer parti, puisque l'apprentissage d'une L2 est une démarche individuelle nécessitant un effort "conscient et laborieux" (Lenneberg, 1967 : 167). L'accompagnateur pédagogique, dans un tel contexte, ne peut en aucun cas apprendre "à la place d'autrui", d'autant qu'il apparaît qu'il n'existe aucune relation entre la maîtrise de la langue cible du professeur et le niveau linguistique atteint par les apprenants (Politzer & Weiss, nd : 92-93, cité par Bogaards, 1991). Son rôle consiste à fournir les meilleures conditions possibles pour favoriser l'acquisition des apprenants et être à leur côté à toutes les étapes pour les guider au mieux. Ce faisant, la figure 2 illustre que c'est sa position "secondaire" au sein du dispositif qui lui confère un rôle clé, car il se pose, du point de la progression langagière des apprenants, en orchestrateur (cf. les flèches bleues de la figure 2).

37Ce dispositif, par sa souplesse de fonctionnement, rend possible l'intégration des diverses tâches que nous avons évoquées plus en amont. Ainsi que l'illustre la figure 2, ces tâches fonctionnent comme des "ateliers", permettant à chaque fois de travailler sur des aspects particuliers de la L2, mais qui, en étant intégrés au sein d'un tout, sont en réalité complémentaires des autres activités proposées. L'implication de l'étudiant au sein des divers ateliers est donc ici importante pour une prise en charge globale, car chaque atelier permet de réinvestir des connaissances dans un autre atelier, ce qui, avec la pratique, l'entraînement, la régularité et l'implication a, en principe, vocation à susciter un cercle vertueux d'acquisition des connaissances en L2.

6. Étude expérimentale

38Afin de vérifier nos hypothèses et de tester l'efficacité des stratégies de travail des étudiants à distance, nous avons mis en place une étude expérimentale visant à recueillir des données quant aux besoins des étudiants en L2, pour la réalisation de tâches écrites et orales à distance.

6.1. Corpus

39Le corpus obtenu se compose de 185 tâches, qui émanent de 59 étudiants assidus sur les 64 inscrits, ce qui correspond à une moyenne de 3,15 tâches par étudiant sur deux trimestres, sur les quatre à rendre.

40Ce corpus se répartit de la sorte :

  • 144 tâches écrites, qui représentent 77,8 % du corpus ;

  • 41 tâches orales, qui représentent 22,2 % du corpus.

41La mesure de l'implication des apprenants a donc été possible. Il convient toutefois de préciser que ce corpus comporte plusieurs biais, notamment en raison de la spécificité de notre contexte :

  • l'année de PE1 étant une année de préparation à un concours elle ne mène à aucune note ou évaluation au cours de l'année permettant de valider des crédits ECTS, l'accompagnateur pédagogique ne dispose d'aucun moyen de "pression" pour pousser l'étudiant à remettre des travaux ;

  • dans une logique légitime de concours, certains étudiants ne sont pas assidus en anglais, de façon à concentrer leur attention davantage sur les épreuves d'admissibilité, dans un premier temps.

6.2. Efficacité des stratégies de travail

  • 2 Nous n'avons, en effet, pas pu avoir recours à des entretiens filmés ou à des logiciels permettant (...)

42S'il ne nous a pas été possible de savoir comment le travail à distance a été réalisé par les étudiants2, l'utilisation du dispositif tel qu'illustré à la figure 2 a rendu possible la mesure de l'efficacité des stratégies de travail par le biais d'une analyse des productions remises par les étudiants et qui nous ont servi de corpus.

43Nous avons relevé et répertorié chacune des fautes ou erreurs dans un premier temps, pour les quantifier et les regrouper dans des catégories que nous avons nommées "points de langue problématiques" (désormais PLP). Par exemple, l'utilisation non conforme des verbes irréguliers du prétérit de l'anglais ou l'emploi du présent historique en anglais, sous l'influence du français notamment, constituent des erreurs ayant trait au PLP "référence au passé en anglais".

44Nous avons ainsi pu identifier 43 PLP, que nous avons, dans un deuxième temps, classés en quatre grandes "familles" :

  • d'ordre morphosyntaxique (par exemple, omission du 's' de 3ème personne du singulier au présent simple, confusion entre génitif et complément du nom, utilisation non appropriée du present perfect) ;

  • d'ordre méthodologique (étourderies, coquilles, omissions, situation d'énonciation confuse, phrases trop longues, etc.) ;

  • dus à l'influence du français sur l'anglais (invention de mots / expressions, faux amis, inclusion de mots de français, etc.) ;

  • d'ordre phonologique (déplacements d'accents toniques, non-respect des voyelles longues / courtes, l'omission du son [h], etc.).

45Ainsi, le PLP ayant trait à la référence au passé en anglais que nous donnions en exemple précédemment appartient à la famille des problèmes d'ordre morphosyntaxique.

Tableau 1 – Répartition des divers points de langue problématiques relevés.

  • 3 D'après la norme dite Received Pronunciation, également connue sous les appellations "anglais de la (...)

Points de langue problématiques (PLP)

Nombre d'erreurs en L2

%

Exemples de problèmes

Problèmes d'ordre morphosyntaxique

401

50,95 %

Accords des substantifs ; confusion entre génitif et complément du nom ; concordance des formes verbales.

Problèmes phonologiques3

166

21,1 %

Déplacement d'accents toniques ; problèmes liés au son [h]  (omission ou rajout) ; réalisation des diphtongues non conformes aux normes de l'anglais.

Problèmes d'ordre méthodologique

138

17,53 %

Situation d'énonciation confuse / mal étayée ; règles d'utilisation des majuscules non respectées ; relecture, étourderies, fautes de frappe et / ou d'inattention, coquilles, omissions, phrases inachevées, fautes d'orthographe.

Problèmes dus à l'influence du français sur l'anglais

82

10,42 %

Calque d'expressions françaises en anglais ; invention de mots / expressions ; utilisation du dictionnaire.

TOTAL

787

100 %

 

6.3. Analyse des PLP

46L'analyse des PLP issus des tâches écrites et orales montre que, toutes familles de problèmes confondues, 16 PLP sur les 43 répertoriés dans les tableaux précédents, soit un peu plus d'un tiers (37,2 %), représentent 79,16 % du volume des erreurs mises en évidence (623 / 787 x 100). Ceci dénote que, pour notre public, un certain nombre de PLP reviennent de manière régulière. Pour cette raison, nous les avons appelés "PLP fréquents". De plus, l'analyse du corpus montre que, chez certains étudiants, certaines erreurs perdurent d'une tâche sur l'autre et que ce "maintien" s'échelonne de deux à quatre fois (pour une moyenne de 3,15 tâches par étudiant sur l'année). Nous parlons d'"erreurs récurrentes". Le taux de récurrence des erreurs avec le dispositif proposé est donc de 40,15 % (316 / 787 x 100).

Tableau 2 – Fréquence des diverses erreurs récurrentes.

Erreurs récurrentes

Deux fois

Trois fois

Quatre fois

Nombre d'occurrences

93

34

7

Nombre d'erreurs récurrentes répertoriées

186

102

28

316

47Enfin, l'analyse du corpus révèle une forte corrélation entre les PLP fréquents et les récurrentes au sein des familles de PLP que nous avons constituées.

6.4. Bilan de l'analyse de corpus

48L'analyse de notre corpus montre qu'avec le dispositif proposé, le nombre d'erreurs "isolées", c'est-à-dire celles sur lesquelles il suffit d'attirer l'attention de l'étudiant(e) pour qu'elles ne réapparaissent pas est donc de 471 (787 – 316 = 471) sur les travaux à distance, ce qui correspond à un taux de 59,84 % (471 / 787 x 100 = 59,84). Ceci signifie en revanche que le dispositif proposé, avec le type de remédiation à distance apporté, ne permet pas la prise en compte de 40,15 % des erreurs (316 / 787 = 40,15 %), puisqu'elles se maintiennent au moins deux fois après correction approfondie, ce qui correspond à un taux de récurrence s'élevant à environ 2/5 des problèmes rencontrés.

  • 4 Les apprenants provenant de filières générales et technologiques, ce qui est ici le cas pour la tot (...)

49Ceci suggère un besoin de remédiation spécifique. L'analyse a montré que, pour la plupart, il s'agissait de problèmes de langue de niveau A2 / B1 du CECRL (Conseil de l'Europe, 2001), tels une utilisation non conforme de l'aspect, du génitif anglo-saxon et de la référence au passé, qui avaient déjà été travaillés par les apprenants lors de leurs études dans le secondaire4. De fait, la nature des PLP fréquents laisse penser que leur prise en charge peut se faire a priori par l'apprenant, avant la remise du devoir (censé être de niveau B2), puisqu'il s'agit, la plupart du temps, de points auxquels il a déjà été sensibilisé.

50Afin d'apporter davantage de guidage aux étudiants, de leur permettre de trouver des aides au fil de la réalisation de leurs travaux, de les conduire à réinvestir leurs acquis dans l'élaboration de tâches ultérieures (Van Harmelen, 2006) et d'essayer de mieux prendre en charge leurs besoins en L2, un "centre de ressources en ligne" a été élaboré (Brudermann, 2008).

7. Remaniement du dispositif

51Le centre de ressources en ligne consiste en un répertoire en ligne de liens vers des ressources pédagogiques classées par compétences linguistiques à travailler. Il est, par exemple, possible d'y trouver des ressources audio et vidéo, des aides grammaticales et des exercices d'approfondissement, des aides phonologiques, des liens vers des livres ou des journaux en ligne, ou encore des informations interculturelles ayant trait à la sphère anglo-saxonne.

52Ces liens ont été choisis à partir d'une liste de sites pédagogiques collectés au cours de trois ans de pratique professionnelle et leur sélection s'est faite sur la base de leur potentiel à apporter des aides pour des compétences langagières de nature linguistique (expression écrite, expression orale, production écrite et expression orale), méthodologique et culturelle. Ces liens ont également été sélectionnés pour permettre aux étudiants de trouver une aide pertinente pour les PLP les plus fréquents et les erreurs récurrentes que nous avons mis en évidence. Un remaniement du dispositif tel qu'introduit à la figure 2 a donc été nécessaire, pour l'ajuster aux exigences du terrain et répondre aux besoins des étudiants (cf. figure 3).

7.1. Fonctionnement du centre de ressources en ligne

53Son intégration dans le dispositif de formation a engendré des transformations quant aux modalités de travail à distance, du point de vue de l'accompagnateur pédagogique, comme des usagers.

Figure 3 – Intégration du centre de ressources dans le dispositif de formation.

Figure 3 – Intégration du centre de ressources dans le dispositif de formation.

54En effet, les tâches dont il était question précédemment deviennent à présent des macro-tâches dans le dispositif, c'est-à-dire "un projet d'apprentissage global au cours duquel les apprenants sont amenés à traiter l'information écrite ou orale en L2 pour construire un objet de sens écrit ou oral" (Guichon, 2006 : 54).

55Ces macro-tâches permettent donc de confronter les étudiants à des obstacles langagiers, desquels vont découler des besoins propres à chacun. Ces besoins pourront, ensuite, être pris en charge par la réalisation de micro-tâches, à savoir des "unités de pratique cognitive centrées sur un aspect linguistique, pragmatique ou socioculturel spécifique sur lequel l'apprenant sera amené à se concentrer" (Guichon, 2006 : 54). Le centre de ressources en ligne se révèle être d'une grande utilité car il met à la disposition des étudiants des exercices autocorrectifs en ligne et rend possible des activités de remédiation ou d'approfondissement.

7.2. Centre de ressources en ligne et médiation

56L'intégration d'un tel outil dans le dispositif de formation a nécessairement engagé des modifications au niveau des pratiques des usagers et de l'accompagnateur pédagogique. Tout d'abord, il permet aux étudiants de trouver des aides en ligne pour la réalisation de leurs travaux en amont de la remise de ces derniers. L'autonomisation des étudiants est donc davantage sollicitée, dans le sens où les aides en ligne mettent à leur disposition toutes les informations dont ils pourraient a priori avoir besoin.

57Le centre de ressources en ligne influe aussi sur la manière dont nous avons choisi de mener notre correction des travaux. Afin de limiter le nombre d'erreurs récurrentes, la correction des tâches se présente à présent sous la forme d'une fiche de correction, qui comprend, en plus des explications en profondeur par rapport aux erreurs relevées, une liste de liens Internet en rapport avec les besoins individuels de chaque apprenant. La fiche de correction donne ainsi à l'apprenant la possibilité de trouver des explicitations et des exercices de remédiation / approfondissement.

58L'hypothèse sous-jacente ici est que la correction assortie de moyens pour que l'apprenant comprenne plus en détail en quoi sa production était non conforme aux attentes en anglais l'incite à mener un travail de conceptualisation et favorise la répétition (rehearsal) dans sa mémoire de travail et la rétention ultérieure dans la mémoire à long terme (Baddeley, 1995). De surcroît, cette manière de procéder renforce l'individualisation des parcours de formation, en donnant aux étudiants la possibilité de trouver en ligne des informations complémentaires par rapport aux besoins mis en lumière lors de la correction de leurs tâches et en leur donnant l'occasion de faire des micro-tâches d'entraînement et / ou d'approfondissement en lien avec leurs travaux, par les exercices en ligne. Enfin, le recours au centre de ressources en ligne permet de "dégager" du temps en présentiel, dans le sens où la prise en compte des aspects morphosyntaxiques peut se faire en individuel et sa prise en charge en classe, de façon collective, est moins justifiée, d'autant que celle-ci ne concerne pas nécessairement l'ensemble des apprenants. Ce temps peut donc être mis à profit en classe, notamment pour aller vers davantage de manipulation de la L2.

7.3. Centre de ressources en ligne et analyse des pratiques

59Afin de tester la validité de nos hypothèses et dans le souci de préparer nos étudiants au mieux à l'épreuve d'anglais du concours, nous avons intégré le centre de ressources en ligne à la fin janvier, à l'issue de la remise des quatre premières tâches dont nous venons de rendre compte. Le dispositif, tel que décrit à la figure 3 a donc pu être utilisé dans le cadre de la réalisation de deux nouvelles tâches, à savoir les tâches 5 et 6.

60Ce nouveau corpus (désormais C2) présente, comme le premier (désormais C1), une série de biais. La pratique de terrain a, en effet, révélé que, durant les deux mois précédant les épreuves écrites, un grand nombre d'étudiants ont tendance à "disparaître", préférant abandonner l'anglais un temps, afin de se concentrer sur la préparation de ces épreuves. De plus, étant donné que l'épreuve de langue vivante étrangère est une épreuve orale, les étudiants tendent à faire de plus en plus de tâches orales vers la fin de l'année. Ils ont tendance à considérer l'anglais comme une matière "secondaire" lors de la phase de préparation des épreuves d'admission, puisque le coefficient attribué à cette discipline dans ce concours est de 1. La visée pour eux, dans une logique légitime de compétition, impulsée par le système même du concours et du jeu des coefficients, est donc de faire du "mieux possible" dans cette épreuve et de privilégier l'épreuve dite "oral d'entretien", puisque dotée d'un coefficient 4 et donc déterminante pour l'obtention du concours.

7.4. Centre de ressources en ligne et analyse du corpus

61C2 se composait de 42 tâches remises, sur les 118 attendues, soit un volume de remise de 34,7 % correspondant à 0,69 tâche remise par étudiant. Ces chiffres doivent prendre en compte les abandons en cours d'année de certains étudiants, la volonté de privilégier l'écrit sur l'oral, dans un premier temps. Ainsi, sur les 59 étudiants assidus que nous avions encadrés entre les tâches 1 à 4 seuls 23 avaient maintenu leurs efforts en réalisant au moins une des deux tâches escomptées sur la deuxième partie de l'année.

62Nous avons donc analysé le corpus des tâches 5 et 6 remises par ces 23 étudiants pour évaluer l'impact du centre de ressources en ligne sur leurs productions, notamment en comparant C2 à C1, puisque, dans C1, notre dispositif ne comportait pas de telles modalités pédagogiques en ligne. Dans C2, les 42 tâches remises correspondaient à 26 tâches écrites et 16 tâches orales.

7.5. Analyse des PLP

63Sur les 42 tâches remises, nous avons relevé 175 erreurs, dont l'ordre de récurrence suit de près l'ordre que nous avions mis en lumière lors de l'étude de notre premier corpus. Par ailleurs, alors que nous avions répertorié 43 PLP sur les quatre premières tâches, seules 29 subsistaient sur les tâches 5 et 6, principalement en lien avec des aspects phonologiques et morphosyntaxiques. Par ailleurs, sur les 175 erreurs relevées, 81 étaient récurrentes deux fois depuis la remise de la correction de la tâche 4, d'où un taux de récurrence des problèmes de 46,28 % (81 / 175 x 100 = 46,28), en ayant recours au centre de ressources en ligne. Nous rappelons qu'il était de 40,15 % avant son intégration dans le dispositif.

64Afin d'identifier si le centre de ressources en ligne pouvait être à l'origine d'éventuelles modifications entre C1 et C2, il nous fallait obtenir des informations quant à sa fréquentation. Un compteur de visites placé sur le centre de ressources en ligne indiquait ainsi qu'à l'issue de la remise des deux tâches, les étudiants s'étaient rendus 121 fois sur le site, mais le compteur ne permet pas de déterminer de qui il s'agit. En revanche, ce chiffre indique une fréquentation moyenne de 2,95 visites pour l'ensemble des deux tâches (121 / 41). À nouveau, il n'est pas possible ici de savoir si ces visites ont lieu avant la réalisation de la tâche ou après, c'est-à-dire, pour trouver des explications suite à la correction de l'accompagnateur pédagogique.

65Étant donné que le chiffre de fréquentation moyenne pour les deux tâches est inférieur à quatre visites, il en ressort que, pour les deux tâches, les étudiants n'ont pas systématiquement recours au centre de ressources en ligne en amont ou en aval de la réalisation de leurs travaux et donc que les conseils / liens vers des aides remis dans les fiches de correction ne sont pas toujours pris en compte. Ceci semble, du reste, être en accord avec le taux de récurrence des problèmes relevés en C2, car, si les étudiants ne réalisent pas les micro-tâches et s'ils ne se rendent pas sur les aides en ligne, nous envisageons difficilement une quelconque progression qualitative en L2.

66Cependant, à l'issue d'un cycle de six tâches sur l'année, nous notons une baisse significative des PLP méthodologiques et, dans une moindre mesure, de nativisation dans les travaux de nos étudiants, ce qui occasionne une plus grande fluidité dans les productions remises. L'insertion d'un centre de ressources en ligne ne semble pas être à l'origine de ce changement, car, si nous nous référons aux travaux de Benoît (2004), il apparaît que ce résultat, sous l'effet de l'hypothèse cognitive du développement de la L2, pourrait être expliqué davantage par la seule réalisation de tâches.

7.6. Bilan

67Les données obtenues en C2 sont à manier avec précaution, dans la mesure où le taux d'abandon en cours d'année a été important, et où une comparaison entre C1 et C2 ne peut être que relative. De surcroît, les résultats indiquent un renversement du type de tâche remis. Nous attribuons ce phénomène à l'arrivée de la date du concours. Ceci induit naturellement de nouveaux besoins qui apparaissent alors et qui "gonflent" les résultats. Nous avions ainsi récupéré 185 tâches sur les deux premiers trimestres, dont 77,8 % de tâches écrites. Les types de PLP relevés ne permettent par conséquent aucune prise de conscience, aucun travail et aucune mesure des PLP liés aux aspects phonologiques de la langue anglaise durant cette période, pour les étudiants n'osant pas "sauter le pas", et s'obstinant à repousser un travail sur des aspects dont ils auront besoin pour leur concours. Sur le troisième trimestre, quand ces derniers se lancent subitement dans la production orale, il n'est alors pas question pour la plupart d'entre eux de retravailler des aspects auxquels ils ont déjà été sensibilisés au premier semestre dans le cadre des tâches écrites, mais plutôt de "découvrir" certains aspects propres à la phonologie anglaise, d'où une recrudescence de PLP à l'oral sur cette partie de l'année. Ces derniers ne s'ancrent donc pas dans une logique d'entraînement sur toute l'année, mais de "bachotage". Les chiffres indiquent ainsi que les PLP relevés à l'oral passent de 77 sur 16 tâches remises, soit 4,8 PLP par tâche en moyenne au troisième trimestre, alors qu'en début d'année il était question de 95 PLP pour 41 tâches, soit 2,31 PLP par tâche. En revanche, à l'écrit, il s'agit bien de réinvestir un travail amorcé dès le début de l'année. Même si, à nouveau, les résultats sont à manier avec précaution, nous observons que le taux de PLP par tâche écrite passe de 3,75 (541 PLP pour 144 tâches) en début d'année à 2,41 (99 PLP pour 99 tâches remises) en fin d'année.

8. Conclusion

68Les résultats issus de cette étude de terrain ne permettent pas a priori d'identifier si l'insertion d'un centre de ressources en ligne dans un dispositif hybride déclenche la construction de connaissances linguistiques nouvelles en L2. Nous observons que les PLP signalés et "évitables" d'après notre hypothèse de départ représentent une proportion légèrement plus importante que celle de notre groupe témoin, celui de C1, qui fonctionnait sans centre de ressources en ligne, mais cette assertion est à manier avec précaution, pour les raisons évoquées précédemment, d'une part, et d'autre part, parce qu'il convient de tenir compte des effets de contexte et de la façon dont nous avons prélevé nos données. Il est, en effet, difficile d'évaluer une quelconque acquisition en L2, suite à une formation de 36 heures annuelles.

69Même si le dispositif hybride permet d'optimiser ce temps, en ciblant les besoins propres à chaque apprenant et en leur permettant de faire plus de L2, sur le temps de travail à distance notamment, il semblerait que, par manque d'instruments de mesure, il faudrait avoir recours à un relevé de SPA dans les travaux des étudiants.

70Le travail en autonomie peut de surcroît apparaître d'autant moins "important" que les étudiants ne savent s'ils sont admissibles au concours que relativement tard dans l'année et peuvent être amenés à penser qu'ils sont, peut-être, en train de travailler l'anglais "pour rien" et donc ne pas s'impliquer de façon particulière dans cette discipline.

71Enfin, du point de vue de la validation institutionnelle du niveau B2, nous avons pu recueillir 19 notes sur 20 étudiants qui ont finalement été admissibles (cf. tableau 3).

Tableau 3 – Notes des étudiants à l'épreuve d'anglais du CRPE.

Note sur 20

Nombre d'étudiants

20

1

19

1

18

1

17.5

1

16.5

1

15

4

14.5

1

12

1

11

3

10

3

8

2

4

1

72Ces résultats, qui émanent des évaluateurs du concours, indiquent une moyenne de classe de 13,71/20. Sachant que le concours se situe au niveau B2 du CECRL (Conseil de l'Europe, 2001) et que la validation de ce niveau se fait à partir de 10/20, nous pouvons dire que, d'un point de vue institutionnel, nous avons pu valider notre objectif, qui était précisément d'amener nos étudiants à ce niveau.

73Une fois encore, il ne nous est pas possible de faire la part des choses entre ce qui relève des acquis antérieurs des étudiants et ce qui relève du dispositif que nous avons mis en place, notamment concernant l'insertion du centre de ressources en ligne. Il apparaît donc, étant donné nos résultats, que le cycle de la recherche-action n'a pas pu être finalisé. Nous ne pouvons, à ce stade, en faire qu'un rapport intermédiaire et nous pensons que pour aller vers davantage d'acquisition de la L2, il serait nécessaire de développer un outil en ligne permettant d'accompagner et de guider les apprenants en amont, tout au long de la réalisation de leurs tâches, en leur fournissant les outils et les aides nécessaires aux moments opportuns, notamment sur des points de la L2 qu'ils connaissent déjà mais qu'ils ne semblent pas toujours réinvestir.

74Nous pensons également qu'en aval, l'apprenant devrait être associé à la phase de correction, être invité à proposer et à justifier ses choix, dans la mesure où le système de correction proposant à l'étudiant une correction et les moyens d'en savoir plus quant aux points de la L2 pour lesquels il a besoin d'une remédiation n'a apparemment pas permis un travail de conceptualisation suffisant pour générer leur passage dans la mémoire à long terme.

75Un "assistant pédagogique en ligne" a été créé, afin de pouvoir suivre l'étudiant à chaque stade de la réalisation de sa tâche et de lui apporter des outils pour l'élaboration de cette dernière, en temps réel, à partir des résultats de la recherche action conduite à l'IUFM de Perpignan. Ce dispositif fonctionne de pair avec un système de précorrection automatisée conduisant l'apprenant à proposer et à justifier ses choix de corrections. Pour le guider dans cet effort, l'application permet de lui remettre une liste de "demandes de reformulations" (recasts) à distance et en asynchrone en lien avec son travail et de l'orienter vers des aides et des exercices d'entraînement et / ou d'approfondissement en ligne, pour favoriser le déclenchement de SPA.

76Une recherche-action est d'ores et déjà en cours à l'université Paris VI Pierre et Marie Curie, pour tester la pertinence de l'utilisation d'un outil de médiation à distance ajusté aux besoins requis par la pratique pour la mise en œuvre d'expériences d'apprentissage (Bange, 1992) potentiellement favorables à l'acquisition de l'anglais L2, dans un dispositif hybride d'enseignement / apprentissage des langues.

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Bibliographie

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Brudermann, C. (2008) English resources web page. http://cedricbrudermann.googlepages.com

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Notes

1 Le projet de recherche Acteurs, Activités collectives et tutorat dans l'enseignement universitaire : réalités, scénarios (2005-2007), a été labellisé et financé par le Ministère de l'éducation nationale et de la recherche dans le cadre de l'ACI (Action concertée incitative) "Terrains, techniques, théories" et piloté par Jean-Philippe Pernin, Laboratoire informatique de Grenoble et INRP.

2 Nous n'avons, en effet, pas pu avoir recours à des entretiens filmés ou à des logiciels permettant d'enregistrer la trace du parcours des utilisateurs, par exemple.

3 D'après la norme dite Received Pronunciation, également connue sous les appellations "anglais de la reine", ou "anglais de la BBC".

4 Les apprenants provenant de filières générales et technologiques, ce qui est ici le cas pour la totalité des étudiants, sont en effet censés avoir déjà été amenés à un niveau B2 en fin de terminale, pour ceux ayant choisi l'anglais comme première langue étrangère.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Aperçu du terrain pédagogique des PE1.
Légende  
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/1348/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre Figure 2 – Organisation du dispositif de formation.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/1348/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
Titre Figure 3 – Intégration du centre de ressources dans le dispositif de formation.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/1348/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Cédric Brudermann, « Analyse de l'efficacité des stratégies de travail d'étudiants Lansad à distance dans un dispositif hybride – Étape d'une recherche-action »Alsic [En ligne], Vol. 13 | 2010, mis en ligne le 03 mai 2010, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsic/1348 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsic.1348

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Auteur

Cédric Brudermann

Cédric Brudermann est ATER en anglais à l'université Paris VI Pierre et Marie Curie. Il prépare une thèse portant sur les dispositifs hybrides et l'enseignement / apprentissage des langues en milieu universitaire à l'université Paris III Sorbonne nouvelle. Il est rattaché au laboratoire Didactique des langues, des textes et des cultures (Diltec).
Affiliation : université Paris VI Pierre et Marie Curie.
Courriel : cedricbrudermann@hotmail.com
Adresse : Cédric Brudermann, 8 Passage des crayons, 75013 Paris, France.

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