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Enseigner les DNL en langue non maternelle

L’utilisation de deux langues permet-elle de clarifier et d’enrichir les savoirs disciplinaires ?

Exemple de la discipline géographique et du thème de la reconversion industrielle : approche comparative France – Grande - Bretagne
Magali Hardouin
p. 71-80

Résumés

L’article montre que l’utilisation de deux codes linguistiques peut contribuer à appréhender et à comprendre l’épaisseur culturelle des sociétés. L’analyse se base sur la discipline géographique et prend l’exemple de la thématique de la reconversion industrielle, à partir d’une approche comparative France - Grande - Bretagne.

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Texte intégral

1L’utilisation de deux codes linguistiques peut contribuer à appréhender et à comprendre l’épaisseur culturelle des sociétés. En effet, lorsque l’on consulte la production scientifique concernant le thème du déclin des industries « traditionnelles » (héritées de la première ou seconde révolution industrielle) au milieu des années soixante - dix et les conséquences de ce dernier, on s’aperçoit qu’une série de termes est régulièrement utilisée : « crise », « restructuration », « regeneration », « deindustrialization », « restructuring », etc. Les auteurs français et britanniques utilisent un vocabulaire et des concepts parfois différents, résultats d’une culture propre.

I. Des termes semblables mais des concepts souvent différents

2Si quelques termes en français trouvent leur corollaire dans la terminologie anglo-saxonne, les concepts sont bien souvent différents.

Crise / crisis

3Le mot « crise » apparaît couramment dans les écrits français : « II y a crise de la ville industrielle », et « Beaucoup (d’entreprises) ont connu la crise », (DEZERT B., 1989, p. 303 et 305) ; « II en découle que le chômage, la fermeture d’entreprises et la désorganisation du tissu économique et social sont les symptômes de la crise. » (CAETANO L., 1989, p. 226) ; « Après douze années de crise grave (1975 - 1987), la sidérurgie semble connaître, depuis trois ans, une embellie » (TUR, 1990, p. 117), etc.

4Selon le Nouveau Larousse Encyclopédique (1994), la crise est un « changement subi, souvent décisif » et pour le Robert (1993), c’est une « phase grave dans l’évolution des choses ». L’emploi du mot crise est peut être inadéquat pour qualifier l’évolution du secteur sidérurgique, dans la mesure où la production mondiale d’acier a augmenté de 10,4 % entre 1974 et 1989 (TUR, 1990), et que les problèmes structurels relatifs à cette branche en Europe étaient visibles depuis de nombreuses années. Cependant, l’emploi du mot « crise » n’est pas fortuit et se comprend bien. D’une part, la production mondiale chute réellement de 9,1 % entre 1974 et 1982 (TUR, 1990) pour augmenter par la suite. D’autre part, c’est un mot courant, compréhensible par tous, qui permet d’imaginer aisément les conséquences économiques et sociales dramatiques qui découlent des fermetures d’usines. Enfin, la « crise » de la sidérurgie est contemporaine de la « crise » économique survenue au milieu des années soixante - dix dont les deux causes majeures sont la crise pétrolière commencée à la fin de 1973 et l’aggravation de l’inflation dans le monde. Selon le Nouveau Larousse Encyclopédique (1994), la crise économique est une « rupture d’équilibre entre production et consommation ; une crise économique marque, dans un cycle, le passage de l’expansion à la dépression à la suite d’un déséquilibre entre l’offre et la demande ». Pour le Robert (1993), la crise économique est synonyme de difficultés, d’impasse, de marasme et de récession. La définition du Petit Larousse (1988) est, quant à elle, beaucoup plus explicite : la crise économique est une « rupture d’équilibre entre la production et la consommation se traduisant, notamment, par du chômage, des faillites ». L’évolution de la branche sidérurgique européenne correspond à ces caractéristiques, et c’est peut être une des raisons pour lesquelles le terme crise est utilisé pour qualifier la situation de cette industrie au milieu des années soixante - dix.

5Le terme crisis se rencontre dans quelques ouvrages : « Another way in which European steel companies have responded to the crisis in steel is to diversify out of steel production » (HUDSON R, 1994, p. 108) ; « A world steel crisis of the mid - 1970s had by the early - 1980s become largely an EEC crisis, exemplified by enormous financial losses and heavy labour shedding » (EVANS I.M., 1982, p. 381). Le mot crisis dont la définition est « An interruption in the reproduction of economic, cultural, social and / or political life » (The dictionary of human geography, 1992) correspond ainsi plus ou moins au terme français de « crise ». Cependant, il n’est plus guère usité car les auteurs ayant beaucoup abusé de son emploi, il a perdu sa crédibilité : « The word « crisis » is probably overused and abused. Too often contemporary observers of the economic scene label as crisis even the most temporary of economic turning points and the shallowest of economic downturns. And too often, the vicissitudes of capitalist life are taken as signs of an impending disaster, one so catastrophic that it will remake the whole mode of production » (CLARK G.L., 1986, p. 127).

Régénération / regeneration

6Il existe un terme anglo - saxon très utilisé dans les articles à partir de la fin des années quatre - vingt : il s’agit du mot regeneration. « This period became distinguished by attempts to achieve wider urban regeneration goals » (DABINETT G., 1995, p 226) ; « There has been little work exploring the impact of transport investment on economic regeneration » (LAWLESS P., GORE T., 1999, p 527) ; « This dramatic collapse of the local economy strategy, particularly the assumption that regeneration could be achieved without the collaboration of the local business community » (SEYD P., 1990, p 338), etc., les exemples pouvant être multipliés.

7Jusqu’à très récemment, nous n’avions pas encore rencontré en France l’emploi du terme « régénération » dans le domaine de l’aménagement du territoire. Ce terme n’était utilisé que dans le domaine médical : tous les êtres vivants sont capables, à des degrés divers, de réparer les dommages causés à l’organisme. Dans son sens le plus large, le terme « régénération » désigne tous les phénomènes de réparation au cours desquels un individu retrouve son intégrité. C’est le remplacement par l’organisme d’une partie perdue spontanément, accidentellement ou expérimentalement. Nous avons repéré ce terme employé dans le cadre de la préparation d’un colloque d’aménagement, en mars 2000, Renouveler la ville : les enjeux de la régénération urbaine, avec cette description : « Renouveler la ville. L’usage récent de cette formule correspond à une actualité nouvelle de la problématique de la régénération urbaine en France et en Europe. [ ... ] Au - delà de la simple régénération physique du tissu urbain, que ce soit par la rénovation radicale des années 60 - 70 ou par la réhabilitation du bâti, elle fixe comme objectif une véritable renaissance économique, sociale et environnementale pour les morceaux de ville marginalisés dans le cadre du processus de développement métropolitain : de fait, à côté de la reconquête physique du tissu urbain, les questions posées sont d’ordre culturel (question d’identité par exemple), social, par rapport notamment à la lutte contre l’exclusion, ce qui interpelle inévitablement l’économique (l’emploi), et la dimension qualitative de l’espace urbain (le droit à la qualité de vie pour les habitants, et la qualité urbaine comme support du développement) ». L’apparition de ce terme en français est relativement récente et son emploi s’est développé.

8Au contraire, au Royaume - Uni, ce terme est couramment employé. Son apparition date du milieu des années quatre - vingt. La régénération est alors perçue comme un développement économique et physique de la ville. Le changement d’image et les investissements intérieurs dominent le débat. Toute la politique locale est axée sur un nouveau départ à tel point que les usines sidérurgiques abandonnées sont détruites. L’objectif est bien de faire table rase du passé et de construire une nouvelle ville ou de renouveler la ville. Mais, on s’aperçoit qu’en six ou sept ans, la définition de ce terme a quelque peu changé. Au milieu des années quatre - vingt - dix, la régénération se définit alors outre - Manche comme la création d’une culture optimiste, maximisant l’opportunité, le choix et la promotion de l’emploi, l’intégration sociale et la confiance en soi. Il n’est plus question de renier son passé. Incontestablement, la rhétorique accompagnant le terme régénération a évolué.

II. Des termes et des concepts spécifiques à chaque langue

9A l’inverse, la majorité des termes et des concepts relatifs à la reconversion industrielle est spécifique à chacune des cultures, française et britannique, et l’analyse de chacun de ces termes permet d’appréhender cette épaisseur culturelle.

II.1. La terminologie française

Mutation

10Le mot « mutation » est régulièrement employé dans certains articles ou ouvrages relatifs au déclin des industries anciennes : « Cet héritage les place aujourd’hui en inégale position pour négocier la mutation de l’espace engendrée par la contraction de l’activité de cette industrie de main - d’œuvre » (KLETHI J - R., KOCHER A., 1989, p. 327) ; « Ces mutations s’accompagnent d’une réflexion sur l’aménagement de la vallée de l’Oise » (CAVARD J - C., 1989, p. 232) ; « En étudiant la mutation et la réorganisation spatiale du tissu industriel » (BENKO G.B., 1989, p. 628), etc. Ce terme est défini au sens premier par le Robert (1993) et le Petit Larousse (1988), comme un « changement », une « évolution ». Toutefois, le sens biologique du terme est un peu différent puisqu’il associe la notion de rapidité : la mutation est alors « une variation brusque d’un caractère » (le Robert, 1993). Il est intéressant de constater que le terme de mutation s’emploie principalement dans le contexte large de mutation industrielle et non de mutation d’une branche d’activité particulière : « Le processus de mutation industrielle a conduit à la disparition des activités traditionnelles ou à leur départ des zones urbaines. Les activités modernes, concentrées principalement dans le secteur des services, se sont généralement développées sur de nouveaux sites, loin des anciens sites industriels » (Commission des Communautés Européennes, 1993, p. 27). Cette citation montre que la mutation industrielle s’assimile au passage d’une économie basée sur des secteurs industriels traditionnels à une économie s’appuyant sur des secteurs de la troisième révolution industrielle.

Restructuration

11Le terme « restructuration » définit, quant à lui, l’adaptation économique nécessaire d’une branche industrielle qui essuie une crise : « Le Yorkshire et le Humberside ont connu un changement intense pendant les années quatre - vingt. La restructuration a entraîné une forte augmentation des terres et bâtiments abandonnés » (LEIGH C., GREEN H., 1992, p. 91) ; « L’industrialisation automobile entre dans une phase de récession et surtout de restructuration » (ORMAUX S., 1989, p. 307) ; « Dans le cadre de la restructuration de la sidérurgie française » (TUR, 1990, p. 182), etc. Selon le Nouveau Larousse Encyclopédique (1994), la restructuration est l’action de réorganiser par de nouveaux principes, avec de nouvelles structures, un ensemble devenu inadapté et, d’après le petit Larousse (1988), l’action de restructurer signifie « Donner une nouvelle organisation sur le plan économique ou technique » : on restructure une branche industrielle en difficulté, comme la sidérurgie par exemple.

Conversion / reconversion

12Il est vraiment très difficile de différencier les termes « conversion » et « reconversion » à tel point que certains auteurs ne font aucune distinction. Par exemple, dans la contribution de S. WACHTER à l’ouvrage Redéveloppement des zones industrielles en déclin (1991, p. 10), le titre d’une partie s’intitule « Les trois âges de la conversion industrielle et l’aménagement du territoire » et le paragraphe débute par cette phrase : « Les premières mesures gouvernementales en faveur de la reconversion industrielle ont été bien antérieures à l’institutionnalisation de l’aménagement du territoire ».

13En revanche, B. FRIMÂT (1979, p. 5) emploie uniquement le terme de conversion et il explicite ce terme : « Le concept de conversion n’est pas un des concepts couramment utilisés par la science économique quand elle s’attache à l’examen de la situation d’un espace économique donné et de son évolution. [ ... ] Il apparaît d’abord que la conversion ne peut exister qu’une fois atteint un certain seuil dans le processus du développement ; c’est ainsi que les pays en voie de développement n’ont pas à réaliser de conversion dans la mesure où leur tâche n’est pas de modifier un potentiel existant d’activités économiques mais de le forger. [ ... ] Il nous semble ensuite indispensable de traiter de la conversion industrielle et non simplement de la conversion dans la mesure où cette précision implique l’existence préalable d’une industrialisation, la nécessité de la remplacer et écarte clairement l’idée d’une création ex-nihilo. La conversion industrielle ne se définit pas comme un simple changement ou une mutation mais comme une rupture, un retournement irréversible, une substitution industrielle. [ ... ] La conversion industrielle va donc toucher des régions industrielles qui, ayant dépassé le stade de la maturité, sont entrées dans une phase de décroissance. [ ... ] La conversion industrielle implique donc la greffe d’un tissu jeune sur un tissu industriel vieilli, la substitution de ces industries qui, pour de multiples raisons, disparaissent, d’industries nouvelles qui pourront fournir les emplois indispensables à une population importante drainée vers ces régions à l’époque de leur croissance ».

14Pour d’autres auteurs, la différence entre conversion et reconversion est beaucoup plus nette. J. - P. Duport commence la préface de l’ouvrage dirigé par S. WACHTER (1991, p. 5) par cette phrase : « Quel est le bilan des actions de conversion ? ». Quatre lignes plus loin, il définit de façon involontaire ce terme : « Moins de dix années ont suffi pour que les régions de tradition industrielle accomplissent une profonde mutation. Depuis le début des années quatre - vingt, cette transition s’est opérée au prix d’importantes restructurations. L’adaptation simultanée des secteurs traditionnels de l’industrie (sidérurgie, charbonnages, chantiers navals, textile) a impliqué de sévères ajustements productifs dans les bassins d’emploi où ils étaient concentrés. Les transformations intervenues à partir de ce moment sont probablement plus radicales que celles qui eurent lieu pendant les vingt années précédentes. Celles - ci ont affecté les entreprises et les populations et leurs rapports au territoire. Les équilibres économiques et sociaux antérieurs, fondés sur la mono - industrie, ont été rompus. Une telle rupture s’imposait pour reconstruire les bases d’un nouveau développement ». Au milieu de son article, évoquant le traitement des conversions, il explicite le terme de reconversion : « Mais l’ingénierie administrative du traitement des conversions qui a été construite depuis dix ans en particulier sous l’impulsion de J. CHÉRÈQUE, permet de disposer d’une diversité d’outils à même de répondre de façon souple et adaptée à la variété des restructurations locales des activités productives. Il va de soi qu’il ne saurait exister qu’un seul modèle de la reconversion ». Ainsi, la conversion industrielle désignerait la phase de transition de l’économie d’une région basée sur des industries anciennes à une économie fondée sur d’autres branches compétitives, et le terme de reconversion indiquerait le « traitement » permettant de répondre de façon adaptée aux restructurations. Par ailleurs, on remarque que selon J - P. DUPORT, les régions d’industries anciennes se situent dans une phase de mutation et non de crise.

15F. SAGET (1986, p. 11) différencie également les termes de conversion et de reconversion. Dans plusieurs de ces phrases, il met en avant l’idée que la reconversion est bien l’action menée par une ou plusieurs personnes pour adapter ces zones à une économie mondiale : « Ce livre vise à restituer une pratique acquise au cours de ces cinq dernières années dans la mise en œuvre effective de missions de reconversion à la demande des grandes entreprises et en étroite relation avec elles ; [...] Aussi notre texte fera - t - il appel à deux styles de rédaction différents : le style descriptif qui restitue les pratiques effectives et le style plus directif du consultant qui préconise une démarche globale et structurée dans le montage effectif d’une mission de reconversion. [...] Un tel travail ne serait pas complet s’il ne permettait pas aux interlocuteurs des sociétés de reconversion de mieux appréhender le mode de relation qui peut s’établir avec elles et la nature des appuis proposés ». Quant au terme de conversion, il désigne l’état économique dans lequel se trouve une zone : « Cette question renvoie très directement à la décision de mettre en place des pôles de conversion dont l’animation économique est prise en charge par les pouvoirs publics ».

16Mais, B. ZUINDEAU (1986, p. 128) estime qu’il existe entre ces deux termes une réelle différenciation économique : « La conversion concerne donc des transformations des structures productives qui ne sont pas assimilables à de graves difficultés pour la zone (ou l’entreprise) et qui dans le cas de la région ne résultent pas d’une action volontariste, notamment de la part des pouvoirs publics. La reconversion, en revanche, apparaît dans un contexte de crise économique locale qui affecte le pôle industriel dominant à tel point qu’il faut envisager la restructuration de l’appareil productif sur d’autres bases. Cette reconstitution donne lieu généralement à une politique de reconversion mise en œuvre par les pouvoirs publics, politique d’autant plus nécessaire que le coût social de la disparition pure et simple des activités traditionnelles dominantes paraît insupportable. En résumé, la conversion désignerait l’adaptation continue des systèmes productifs régionaux tandis que la reconversion aurait trait à une rupture des capacités de reproduction de ces systèmes nécessitant la mise en place d’une nouvelle assise productive, et ce au moyen d’une action délibérée des pouvoirs publics ».

17Cette théorie est partagée par A. - M. RINALDI (1986, p. 504) : « Une reconversion doit obligatoirement se fixer comme objectif la transformation d’un ensemble économique dont la conversion s’est soldée par un échec. Il ne s’agit plus de prévoir la régression de certains emplois, ceux - ci étant déjà perdus, mais de réussir à compenser effectivement ces pertes d’activités. La nouvelle finalité n’est plus d’assurer le déplacement des forces productives en régression vers des milieux porteurs, mais de freiner l’hémorragie de population. Seul un potentiel humain suffisant permet de tenter la rénovation d’un pôle sinistré. Si toute politique de conversion se montre particulièrement difficile, la mise en place d’une stratégie de reconversion apparaît encore plus malaisée. D’abord, elle constitue le plus souvent le dernier espoir de « sauver » une zone en déclin. Ensuite, la contrainte temporelle pèse davantage sur elle. Comme la conversion, la reconversion repose sur une politique à long terme. Or, cette dernière intervient sur un espace particulièrement déprimé où il convient pourtant d’obtenir des résultats immédiats ».

18Au vu de ces définitions, il apparaît qu’il n’existe pas de règles précises relatives à l’emploi de ces deux termes : d’aucuns utilisent les mots « conversion » et « reconversion » sans effectuer de distinction particulière, ou bien encore quelques auteurs utilisent le terme de « reconversion » pour qualifier une entreprise ou le terme de « restructuration » pour parler d’une région.

II.2. Le lexique anglo-saxon

Deindustrialisation/restructuring

19Le mot deindustrialization ou de - industrialisation ou bien encore deindustrialisation est très largement utilisé : « This volume of essays is concerned with the geography of industrial decline in post - war Britain, with the régional anatomy and implications of de - industrialisation » (MARTIN R., ROWTHORN B., 1986, p. 15) ; « The 1980s were a decade of significant change in the structure, scale, and location of economic activity in Britain and Germany. De - industrialisation of old industries and new industrialisation, based largely on service industries and high - tech development, has resulted in a ‘north - south divide’, at great economic and social cost, which is particularly marked in Britain but apparent in Germany as well » (WILD T., JONES P., 1991, p. 398). Ce terme est ainsi défini : « A sustained decline in indus - trial (especially manufacturing) activity. It may involve the absolute and / or relative decline of industrial output, employment and means of production. Such changes are quite normal in the course of economic development. However, when they are linked to the declining competitiveness of industrial production to meet extra - régional, domestic and international demand within reasonable levels of employment and a sustainable balance of payments, deindustrialization represents a process of underdevelopment » (The dictionary of human geography, 1992). Le terme deindustrialisation se traduit donc comme étant l’accumulation de faiblesses de la contribution des industries manufacturières à l’ensemble de l’économie nationale, qui se mesure en terme de rendements, d’exportations, d’investissements et d’emplois.

20Les causes du processus de deindustrialisation sont nombreuses et complexes : « In the contemporary global economy, they lie in a combination of local circumstance and locational adjustment to global conditions. In a capitalist economy, the rate of profit and its determinants must lie at the centre of any explanation » (The dictionary of human geography, 1992). Comme le soulignent T. WILD et P. JONES (1991, p. 390), le processus de deindustrialisation à l’intérieur des sociétés avancées ne doit pas être perçu comme isolé, mais faisant partie du processus plus large de restructuration économique. Ce sont évidemment les vieilles régions de tradition industrielle qui sont le plus affectées par ce processus : « In particular, regions severely affected by the crisis of de - industrialisation appear to suffer from combination of structural, organisational and technological weaknesses. Structural weaknesses stem from an overdependance on inappropriate and outdated industries and economic activities. The most typical areas are the old textile mamtfacturing districts and the ‘rust belts’, with their concentration on resource extraction, metal production and metalworking activities ». Le mot deindustrialisation se rapproche donc du concept français de « mutation ». La profusion de ce terme dans la littérature anglo - saxonne peut s’expliquer par le fait que le processus de deindustrialisation a été particulièrement intense en Grande - Bretagne comme le mettent en évidence MARTIN R. et ROWTHORN B. (1986, p. 15) : « Since it first ‘gate - crashed’ the economic literature at the end of the 1970s (Blackaby, 1981), the term ‘de - industrialisation’ has been used in various ways, both descriptively and analytically, to refer to the most dramatic indicator of Britain’s ailing economic performance, the rapid decline in the country’s manufacturing base [ ... ]. Why the process should have afflicted Britain so acutely is not altogether clear, although there is a growing body of opinion that it may be the manifestation of a longer - term, deep - seated systemic problem of structural weakness and relative economic décline that is rooted in the country’s earlier industrial history and its traditional role in world capitalist development. (Gamble, 1981 ; Smith, 1984). In the same way that Britain was the first country to industrialise, so it has been the first to de - industrialise ».

21Le terme restructuring est également très fréquemment employé. Sa définition est ainsi énoncée : « Change in and / or between the constituent parts of an economy, emanating from either the dynamics of economic development or the economy’s conditions of existence. Within capitalist economies, the term frequently refers to changes in capital or the circuit of capital. Such changes represent a response to changed conditions of accumulation induced, for example, by technical change or conflicts between labour and capital in the workplace, or transmitted through the competitive conditions endemic to capitalism » (The Dictionary of human geography, 1992) ou bien encore « Also known as structural adjustment, this is a change in the economic make - up of a country. Restructuring may be necessary in a declining economy in order to promote growth. It may also be imposed by an authority, like the World Bank to improve an ailing economy of a nation which is in debt to that authority. Restructuring in this case usually involves major cuts in the public sector » (The concise Oxford dictionary of geography, 1992). Le terme restructuring s’applique à deux éléments. D’une part, il concerne le secteur industriel : « Industrial restructuring is a necessary element in the dynamics of capital accumulation, involving a process of creative destruction that reallocates capital among industries, sectors and locations. It is central to economic growth and decline at various scales from the local to the global (Benko & Dunford, 1991 ; Carney et al., 1980 ; Storper & Walker, 1989) » (HUDSON R., 1994, p. 99). Dans ce contexte, le terme restructuring a la même signification que le terme français « restructuration ». D’autre part, restructuring s’applique également à un espace. D. KEEKLE, dans un essai s’intitulant De - industrialisation, new industrialisation processes and régional restructuring in the European Community (1991, chapitre 3), expose les phénomènes clés de restructuration régionale qui englobe les processus de de - industrialisation, reindustrialisation (« high - technology industry, especially based on microelectronic ») et tertiarisation. On reconnaît là les bases du processus de reconversion en France, terme qui n’est pas usité chez les anglo - saxons.

Conclusion

22Cette approche lexicale a permis de mettre en évidence deux éléments. D’une part, quelques termes relatifs au déclin des industries traditionnelles se retrouvent dans l’une ou l’autre des deux langues (crisis - crise, restructuring - restructuration), mais les concepts sont souvent différents : par exemple, le concept anglo - saxon de restructuring englobe à la fois le concept français de « restructuration » mais aussi celui de « reconversion ». D’autre part, certains termes sont spécifiques à chaque langue (« conversion », de - industrialisation, regeneration). Ils ont certes une traduction dans chacune des deux langues mais celle - ci n’est pas satisfaisante dans la mesure où elle s’appuie sur des références culturelles spécifiques.

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Pour citer cet article

Référence papier

Magali Hardouin, « L’utilisation de deux langues permet-elle de clarifier et d’enrichir les savoirs disciplinaires ? »Tréma, 28 | 2007, 71-80.

Référence électronique

Magali Hardouin, « L’utilisation de deux langues permet-elle de clarifier et d’enrichir les savoirs disciplinaires ? »Tréma [En ligne], 28 | 2007, mis en ligne le 03 mars 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/trema/293 ; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.293

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Auteur

Magali Hardouin

Université européenne de Bretagne, RESO - UMR ESO 6590 / CREAD - Rennes 2, IUFM de Bretagne

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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